M. O'Dowd u.a. (Hrsg.): History Women

Titel
History Woman.


Herausgeber
O’Dowd, Mary; Ilaria Porciani
Reihe
Storia della Storiagrafia 46
Erschienen
Milano 2004: Jaca Book
Anzahl Seiten
229 p.
Preis
URL
Rezensiert für infoclio.ch und H-Soz-Kult von:
Tikhonov Natalia

Les auteurs de ce volume sont partis d’un simple constat: les historiens de l’historiographie se sont traditionnellement penchés sur des travaux produits par des hommes, sans inclure dans leur analyse la plupart des contributions apportées par des femmes, conséquence de la quasi-absence des femmes de la profession historienne jusqu’au lendemain de la Deuxième Guerre mondiale et leur sousreprésentation dans le corps professoral européen d’aujourd’hui, constitué à près de 85% par les hommes.

En rassemblant dans une livraison de la revue internationale Storia della Storiografia les communications présentées au colloque «Women Historians and National Histories in Europe 1800–2000» tenu en octobre 2004 à Galway, sous les auspices de la National University of Ireland, ce recueil a pour objectif de placer la question de la participation des femmes à l’écriture de l’histoire au coeur d’une réflexion sur l’histoire de l’historiographie et l’histoire du métier d’historien, menée dans une perspective du gender. Cette initiative fait partie d’un vaste projet de recherche international consacré à l’étude de l’écriture des histoires nationales à travers le continent européen.

Dirigé par Mary O’Dowd et Ilaria Porciani, historiennes qui ont déjà plusieurs publications collectives sur ce thème à leur actif1, ce numéro thématique ambitionne de réfléchir aux processus à l’oeuvre dans la professionnalisation de l’écriture de l’histoire et permet de réexaminer un certain nombre d’idées reçues sur la place des femmes au sein de la discipline historique. L’ouvrage proposé ne constitue pas un bilan définitif des connaissances sur la question ni une analyse exhaustive des différents contextes nationaux européens, mais voudrait donner un aperçu des approches, des problèmes de méthodes et des résultats les plus neufs sur un sujet qui stimule depuis une vingtaine d’années des travaux épars.

Une volonté comparative sous-tend l’ensemble de l’ouvrage puisque des contributions portant sur l’Italie, la France, la Suisse, l’Irlande, l’Angleterre, la Grèce, la Norvège, la Finlande, la Bulgarie ou la diaspora juive allemande de l’après-guerre offrent des perspectives historiographiques croisées des plus stimulantes, permettant d’éclairer les spécificités propres à chaque contexte national. Le choix chronologique a été de considérer les deux derniers siècles, même si la majorité des contributions sont consacrées au premier XXe siècle pour mieux cerner les parcours des premières historiennes au bénéfice d’une formation universitaire. Par ailleurs, plusieurs des contributions ne manquent pas de relier l’écriture de l’histoire hier et aujourd’hui. Partant d’un bilan dressé pour le siècle écoulé, elles s’interrogent aussi sur les conditions présentes de la production historiographique des femmes, notamment en Bulgarie (Krassimira Daskalova) ou en Finlande (Mervi Kaarinen et Tiina Kinnunen), premier pays à entreprendre un ambitieux projet prosopographique visant à rendre visible les historiennes amateurs et professionnelles finlandaises actives entre 1800 et 20002.

Avec douze contributions rédigées en anglais et en français, l’évocation de l’écriture de l’histoire par les femmes et, plus généralement, de l’implication des femmes dans le travail historique, est riche et nuancée. Il ne s’agit en aucune façon de dresser une galerie de portraits d’historiennes professionnelles et amateurs célèbres, reproduisant ainsi les biais de l’historiographie traditionnelle, mais de restituer dans sa complexité l’éventail de la production et des engagements des historiennes de 1800 à présent: au sein des universités, certes, mais plus souvent dans les bibliothèques, les archives ou les musées; dans l’enseignement secondaire ou professionnel, voire dans des réseaux politiques et associatifs.

L’approche résolument centrée sur un pays, voire une institution, comme la London School of Economis and Political Science, étudiée par Gianna Pomata à l’aide d’un vaste éventail de sources encore vierges ou peu utilisées, ou un réseau, comme la Società Italiana delle Storiche, dont l’évolution et les acquis sont retracés par son ancienne présidente Anna Scattigno, n’exclut pas une dimension comparatiste à propos par exemple des cas norvégien et danois (Ida Blom) ou italien et français (Maris-Pia Casalena), dimension que l’on aurait souhaité encore plus présente dans les analyses livrées par les autres auteurs, voire dans une postface synthétique.

C’est également le rôle crucial des réseaux, familiaux ou académiques, dans les parcours des historiennes qui gagnerait à être étudié d’une manière plus systématique. De telles recherches, qui sont encore à entreprendre, devraient permettre de mieux comprendre les spécificités chronologiques et nationales. Car derrière l’apparente similitude des orientations choisies par les premières générations d’historiennes diplômées, se cachent parfois des tendances divergentes, comme l’investissement par les historiennes britanniques, italiennes ou danoises des champs de recherche nouveaux et peu institutionnalisés, en marge des courants historiographiques dominants ou les contributions des historiennes suisses à l’écriture de l’histoire politique nationale, domaine presque exclusivement masculin ailleurs en Europe, finement analysées par Irène Herrmann. Le cas de la Suisse, premier pays à ouvrir ses universités aux femmes, est d’ailleurs significatif par le nombre important de doctorats en histoire décernés aux femmes entre les années 1870 et 1930, alors qu’ils peuvent se comptés sur les doigts d’une main en Scandinavie ou en Europe du centre et de l’est.

Stimulant et suggestif, ce volume a le mérite intellectuel d’inciter l’histoire de l’historiographie à inclure le féminisme et l’histoire des femmes, à envisager d’autres approches, comme de rappeler aux historiens les étapes de l’émergence de l’historiographie moderne et son rôle dans la construction des nations européennes. Il impose aussi une longue réflexion sur les manières d’écrire l’histoire.

1Voir, par exemple, Maryann Gialanella Valiulis et Mary O’Dowd (dir.), Women and Irish history: essays in honour of Margaret MacCurtain. Dublin, Wolfhound Press 1997, ou Maura Palazzi et Ilaria Porciani (dir.), Storiche di ieri e di oggo. Dalle autrici dell’Ottocento alle riviste di storia delle donne. Rome, Viella, 2004.

2 Katainen, Elina et al. (dir.), Oma pöytä. Naiset historiankirjoittajina Suomessa. [A table of Her Own – Finnish Women Historians]. Helsinki, Suomalaisen Kirjallisuuden Seura, 2005.

Citation:
Natalia Tikhonov: Compte rendu de: Mary O’Dowd, Ilaria Porciani (dir.): «History Women», Storia della Storiografia, 46 (2004). Première publication dans: Revue suisse d’histoire, Vol. 56 Nr. 1, 2006, S. 124-126.

Redaktion
Veröffentlicht am
08.12.2011
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Die Rezension ist hervorgegangen aus der Kooperation mit infoclio.ch (Redaktionelle Betreuung: Eliane Kurmann und Philippe Rogger). http://www.infoclio.ch/
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